L’intégration de l’École de Chaillot dans la Cité de l’architecture et du patrimoine lui ouvre de nouvelles perspectives. Cette institution à la fois renommée et méconnue, dédiée à l’enseignement du patrimoine en France depuis plus de cent-vingt ans, a traversé toutes les mutations législatives, administratives et sociétales qui ont, durant cette période, affecté les champs conjugués de l’architecture, du patrimoine et de leur enseignement. Elle a accompagné la naissance de tous les statuts d’architectes exerçant des missions au nom de l’État : architectes des monuments historiques, en chef et ordinaires, architectes des bâtiments civils et palais nationaux, architectes des bâtiments de France, architectes et urbanistes de l’État. La plupart d’entre eux sont issus de l’École de Chaillot.
L’actualité concerne d’abord les changements institutionnels, du local au global. L’École a récemment pris place dans le système de l’enseignement européen, grâce à l’habilitation de son diplôme en tant que diplôme de spécialisation et d’approfondissement, DSA , mention architecture et patrimoine, pour quatre ans, durée maximale autorisée. Elle s’était auparavant associée à l’ENEPC, l’École nationale des ponts et chaussées, pour assurer la formation post-concours des architectes et urbanistes de l’État. Elle a récemment changé de statut en devenant le département formation de la Cité de l’architecture et du patrimoine,
établissement public industriel et commercial, EPIC, sous tutelle du ministère de la Culture. L’école sort ainsi de son isolement autrefois superbe, mais devenu fragile.
Une passion et une nécessité
Il faut rendre hommage à tous ceux qui, depuis plus d’un siècle, lui ont permis d’exister, malgré sa situation administrative et budgétaire souvent hasardeuse. Combien de directeurs, de responsables administratifs et pédagogiques œuvrant parfois sans grande légitimité institutionnelle, combien d’enseignants dont le dévouement n’avait d’égal que l’incertitude de leur rémunération sont intervenus. Sans oublier les générations d’élèves souvent mis à contribution pour fournir le matériel faisant défaut. Il faudra un jour en retracer l’histoire, qui montrera sans doute qu’il y avait pour eux tous une évidence à faire vivre Chaillot, parce qu’on y trouvait ce qu’on ne trouve pas ailleurs.
Cet esprit un peu pionnier, Chaillot le renouvelle dans sa participation à la naissance de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Les nouvelles formations, que nous mettons en place en collaboration avec le Musée et l’Institut français d’architecture (IFA), en tirent déjà parti. Des spécialistes de l’histoire, de l’architecture et de la ville ont accepté avec enthousiasme de participer à une première édition de Cours publics d’histoire de l’architecture dès l’automne prochain. Nouveau public, nouveaux interlocuteurs, des organisations de maîtres d’ouvrage nous ont demandé de mettre nos savoir-faire en matière de formation au service de leurs membres. Des collaborations prometteuses ont débuté avec l’AMO, association architecture et maîtres d’ouvrage, ainsi qu’avec la FNCC, Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture. Enfin, les actions internationales auxquelles l’école contribue, sont en mutation. Après la Tunisie et le Liban, c’est en Syrie, en Bulgarie que se développent nos coopérations ; elles sont suivies par la Chine et le Cambodge.
Lors de son prochain déménagement au Palais de Chaillot, c’est sa localisation historique que l’École va retrouver. En lui consacrant ce numéro, la Pierre d’Angle lui offre la possibilité de s’adresser à tous, professionnels et amateurs pour les inviter à venir s’informer, se former et être ainsi toujours plus aptes à contribuer à la qualité architecturale partout où ils vivent et où ils travaillent.
Mireille Grubert
AUCE, Directrice de l’École de Chaillot